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Tisser le vivant

15 December 2025
Texte  
Claire-Marine Beha
Photo  
Ryth Kesselring
Créateur.rice.s

Tisser le vivant

December 15, 2025

Texte

Claire-Marine Beha

Photo

Ryth Kesselring

Créateur.rice.s

Tisser le vivant

December 15, 2025

Texte

Claire-Marine Beha

Photo

Ryth Kesselring

Ryth Kesselring inscrit son travail dans le land art, tissant des fils entre les arbres pour révéler la beauté fragile et éphémère de la nature.

Elle interroge notre volonté d’optimiser le territoire à travers des jeux de perceptions en forêt. L’artiste s’inscrit ainsi dans le mouvement du land art, une pratique qui s’ancre dans le paysage. C’est là, quelque part entre les arbres, que réside la racine profonde de son inspiration, et qu’elle donne vie à des œuvres d’art monumentales dont l’éphémérité ne fait qu’accentuer leur portée.

Des écosystèmes sensoriels en forêt

Installée en Montérégie, Ryth Kesselring s’est fait connaître grâce à ses installations interactives qui conjuguent textiles et sons.

Par son travail, elle aborde les enjeux environnementaux, notamment en intégrant des monocultures de lin dans ses expositions en galerie, dont la germination était impactée par du son distorsionné. « Ça fait écho à notre société occidentale, qui a tendance à vouloir contrôler l’environnement, à rentabiliser la terre au détriment de la biodiversité », explique-t-elle.

Cette notion d’emprise alimente en partie ses œuvres in situ nommées Abstractions géographiques. En tendant des fils de lin autour de plusieurs dizaines d’arbres, Ryth Kesselring façonne des formes géométriques qui dessinent un parcours immersif entre les troncs. En 2021, lors de la pandémie, elle se retrouve face à la solitude. « Je n’avais plus d’atelier, mais j’avais accès à une forêt », se souvient-elle avec émotion.

« En y faisant de l’échantillonnage sonore, j’ai réalisé que tous ces arbres en rang m’évoquaient les aiguilles de mon métier à tisser. J’ai alors pensé tisser entre eux, tout en ayant une réflexion sur la manière dont on gère la plantation, souvent avec peu de considération pour la nature elle-même. »

La particularité de ses œuvres tient aussi à leur forme : ce sont en fait des anamorphoses, des chimères qui se révèlent depuis un point de vue précis et se transforment à mesure que l’on tourne autour. 

Au moyen de ces jeux de perceptions, l’artiste invite le public à ralentir et à observer pour réellement s’imprégner de la complexité de ses interventions. Il faut circuler pour voir les fils dialoguer avec les saisons, révélant alors une beauté née du hasard.

Dans l’ombre, les fils de lin naturel ne se dévoilent presque pas. Mais dès que le soleil perce le feuillage, que la neige s’installe ou que le vent se lève, l’œuvre se révèle différemment. « Mes installations ont leur propre vie, s’enthousiasme l’artiste. Je les vois comme à travers les yeux d’un enfant. La magie d’un flocon de neige qui se dépose sur un fil, ou qui s’attarde sous le rayon du soleil. C’est merveilleux, mais ça ne dure pas. Sauf qu’on l’a vu, on l’a vécu, on a saisi ce moment-là. »

Ces pérégrinations deviennent le point de départ de discussions porteuses entre l’artiste et les visiteur·euse·s sur notre relation aux milieux naturels et aux végétaux.

Ryth prend au sérieux son partenariat avec le vivant : Avant d’installer ses fils pour quelques jours, elle demeure attentive aux sentiers empruntés par la faune locale pour éviter de la perturber. « La forêt est ma collaboratrice. Sans elle, mon œuvre n’existe pas. »

La nature transitoire de ses installations ne la peine pas, au contraire. « J’adore l’éphémère », lâche-t-elle dans un sourire. Ces simples fils suffisent à créer une œuvre monumentale, vouée à disparaitre et à retourner à la terre. 

Le lâcher-prise, propre au land art, devient une forme de salut, puisque c’est là que réside la magie, dans la rencontre entre l’agentivité de la nature et l’acte artistique.

Pour aller plus loin : le balado Sous la fibre

Nous sommes ravies d'être partenaires du plus récent épisode du balado Sous la fibre, qui met en lumière l'artiste Ryth Kesselring!

L'épisode balado « Ryth Kesselring : tisser à travers la forêt », est disponible dès maintenant.

Claire-Marine Beha
CLAIRE-MARINE BEHA is a queer journalist, content producer, and independent curator. She is the creator of Sous la fibre, a podcast that delves into the creative and personal worlds of visual artists in Québec. Her work weaves together art, identity, and emotion, exploring themes such as gender, mental health, cultural heritage, and our relationship with nature.
NOUVEAU MAGAZINE nº17

ÉPHÉMÈRE

Dans ce numéro, nous explorons l’art de l’instant, la mort, la nature, les relations qui se fanent ou se transforment. À travers des récits où l’impermanence et la précarité du vivant se révèlent, nous réfléchissons à la manière dont nous vivons, créons et nous engageons dans un monde en perpétuelle mouvance.
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