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Alice Picard : Jouer avec la lumière

28 August 2025
Texte  
Marie-Charles Pelletier
Photo  
Vincent Castonguay
Présenté par
Créateur.rice.s

Alice Picard : Jouer avec la lumière

August 28, 2025

Texte

Marie-Charles Pelletier

Photo

Vincent Castonguay

Créateur.rice.s

Alice Picard : Jouer avec la lumière

August 28, 2025

Texte

Marie-Charles Pelletier

Photo

Vincent Castonguay

Chez Alice Picard, la création dépasse le geste. Elle dissimule un espace. Un lieu intime où l’instinct dialogue avec la structure, où chaque image devient finalement la trace d’un passage, d’un état, d’une matière brute qui se transforme pour donner forme à quelque chose d’intangible.

Trouver le fil conducteur

La grand-mère d’Alice Picard a été sa plus grande inspiration et sa mentor. Dans son atelier de couture, niché dans le sous-sol d’un bungalow à La Tuque, les murs étaient couverts de fils, de boutons et de tissus. Pendant qu’elle s’affairait à concevoir des tabliers, à fabriquer des mitaines à partir de vieilles vestes en cuir ou coudre des sacoches à partir de vieux jeans, Alice, elle, découvrait le pouvoir de transformation de la matière, mais aussi celui de la création.

Toute petite, elle rêvait de devenir designer de mode. Le soir, elle dessinait des personnages en robes multicolores sur des feuilles d’imprimante. Sa passion pour les déguisements, les tissus et les couleurs la pousse à demander une machine à coudre pour Noël. Elle a six ans. Elle reçoit, à son grand désarroi,  une version jouet qui n’est dotée que d’une aiguille en plastique. À défaut de pouvoir coudre quoi que ce soit, elle s’en remet à la colle chaude et aux agrafes pour confectionner des « vêtements ».

À l’adolescence, Alice continue d’explorer différents médiums en plus de la couture et du dessin. Elle découvre la photographie argentique avec son père, qui collectionnait les appareils et savait tout d’eux. Ensemble, ils arpentent les ruelles de Montréal la nuit pour capter sa lumière avant de développer les photos dans la chambre noire du sous-sol. Ce moment marque un tournant dans la vie de l’artiste. Elle découvre qu’il est possible de créer des images: « Par créer, je veux dire jouer avec la lumière pour inventer quelque chose. On peut capter le réel, mais aussi l’interpréter, l’amplifier, le transformer. »

Aujourd’hui, Alice partage son temps entre le design graphique, structuré et ordonné, et les arts visuels, plus libres et sensibles. Son travail mêle dessin, peinture, impression, textile. Elle aime varier les médiums et s’adapter à ce qu’ils permettent. L’huile, l’airbrush, la gravure sont autant de techniques qui lui offrent des manières différentes de traduire la même idée : une ombre qui danse, une forme qui s’échappe, une sensation qui reste.

Structurer le flou

Alice ne planifie pas toujours ses œuvres. Son processus repose sur une sorte de dialogue intérieur: un long va-et-vient entre la réflexion et l’intuition. Elle esquisse, elle doute, elle attend… jusqu’à ce que quelque chose s’impose. Et puis, elle lâche prise et se lance. Elle achète le matériel, coupe, peint et laisse l’œuvre se préciser.

« Dans mes œuvres, j’essaie de structurer le flou en montrant des éléments figuratifs dans un environnement abstrait. De nommer certaines choses, mais de laisser plus de place à l’interprétation. »

Son travail oscille constamment entre ces deux pôles. Une tension qui n’est pas seulement formelle, mais profondément existentielle: « Cette ambivalence entre le contrôle, la structure, la réflexion, et l’envie de vivre librement, d’essayer des choses, de ne pas trop savoir où je vais, fait intrinsèquement partie de moi », explique Alice.

Alice Picard lors de sa résidence à BESIDE Habitat, juin 2025.

Créer du lien

L’art d’Alice Picard est traversé par les liens — ceux qu’on tisse, qu’on perd, qu’on retrouve. Pour elle, il a quelque chose d’extraordinaire qui naît du sentiment d’être entouré. Que ce soit à travers les conversations qu’elle entame avec le voisinage en allant marcher avec son chien, les moments passés au chalet de son grand-père avec ses cousin·e·s, le quotidien au bureau avec ses collègues et ses ami·es ou les heures passées à jaser avec sa mère sur Facetime, le lien humain est au cœur de sa vie, et donc de sa pratique. 

Son atelier idéal ? Partagé. Un espace où les idées circulent autant que le café et où les conversations nourrissent la création. Parce qu’au fond, ce qui compte vraiment pour Alice, ce n’est pas seulement ce qu’elle crée, mais avec qui, et comment.

Parce que pour elle, l’art est un espace de passage. L’occasion d’altérer un état en transformant une matière brute. Une façon de donner forme à ce qui résiste aux mots et d’en faire une expérience partagée. «Je ne vois pas forcément la création comme une guérison directe, mais il y a certainement quelque chose de réparateur dans le fait de transformer, d’accueillir ce qui change et d’en faire émerger une nouvelle image», soutient-elle.

Cette dimension a pris un sens nouveau en 2020, quand on lui a diagnostiqué un lymphome de Hodgkin. Alors âgée de 25 ans, le temps s’arrête et avec lui, la création. Pour Alice, plus rien ne semblait pertinent. Le retour vers la création a été un long long chemin, ponctué d'incertitudes.

« Depuis un an, c’est revenu, sans trop savoir pourquoi ni comment. Je pense que j’avais juste besoin de temps pour réatterrir et pour me retrouver. »

Dans les dernières années, elle a puisé dans la nature du sens, mais aussi l’élan qui s’était émoussé devant ce vent de face. Elle a aussi réalisé l’impact du temps passé auprès d’elle. Enfant, Alice passait ses week-ends dans les Laurentides à explorer, à jouer, à courir et à se salir. Aujourd’hui, c’est dans le calme du chalet familial, fruit du dur labeur de son grand-père, qu’elle retrouve ce contact. 

« La nature a toujours été un lieu intriguant pour moi. Enfant, j’ai découvert que le bouleau argenté avait un goût de menthe poivrée et ça été la naissance d’une fascination grandissante », raconte Alice.

Durant sa résidence à BESIDE Habitat, cette relation s’est incarnée à travers une série d’œuvres créées à l’orée de la forêt. Elle y a capté l’ombre mouvante des feuillages, jouant avec des pochoirs en papier découpé qui faisaient office de masques naturels.

« Armée d’une longue rallonge électrique, je me suis installée dehors — en pleine nature et en plein soleil — avec l’idée de reproduire les ombres que les plantes projettent au sol quand le soleil est haut et que le vent les berce doucement. »

Ce sont ces images, évocatrices et évanescentes, qu’elle présentera dans sa prochaine exposition à la galerie PARI PASSU, du 3 septembre au 2 novembre 2025.

Récemment inaugurée, la galerie attenante à la boutique PAPEROLE — accessible par un corridor intérieur — se consacre entièrement aux métiers d’art contemporain ainsi qu’aux artisans et entreprises locales œuvrant dans le design.

Du 3 septembre au 2 novembre 2025, la galerie présentera sa prochaine exposition, NORDICITÉ, sous le commissariat invité de Kim Pariseau (Appareil Atelier). La thématique, inspirée par l’architecture nordique, met en lumière le lien intime entre design, territoire et saisonnalité, rendant hommage à une esthétique brute, sensible et profondément enracinée.

Les exposant·e·s incluent :

Appareil Atelier — Table, divan, chaise, luminaire…

Ève Gravel — Collection capsule Home : nappes, rideaux, coussins et serviettes de table conçus à partir des motifs d’Alice Picard et de Julia GR.

Mark Krebs — Collection de tapis avec Thom Fougère.

sml Studio — Petits objets pour la maison.

Fusion F — Verre.

Mie Kim — Céramique.

Alice Picard — Arts visuels

Marie-Charles Pelletier
Rédactrice
Originaire de Montréal, Marie Charles Pelletier est une productrice et rédactrice créative qui se distingue par sa profonde sensibilité à l’expérience humaine et à la beauté des scènes ordinaires.
NOUVEAU MAGAZINE nº16

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