August 14, 2025
Photo par
Chloé Brossard
August 14, 2025
Photo par
Chloé Brossard
Mon copain et moi sommes installé·e·s autour d’un BBQ coréen au Ttukdo Market, dans le quartier Seongsu à Séoul, entouré·e·s de son mari, Bonhak Koo (본학 구), et de leur ami KyungHan Jung (경한 정). «Parce qu’elle nous intrigue, et parce que son attrait—culinaire et culturel—l’emporte facilement sur la distance», répondis-je, tandis que KyungHan, concentré, nous prépare des somaek: un mélange de soju artisanaux et de maekju (bière blonde). Nous tirons de nouvelles chaises autour de l’étroite table, à mesure que de nouveaux ami·e·s se joignent à nous.
Ce type de souper improvisé n’a rien d’exceptionnel en Corée du Sud. Les rassemblements s’inscrivent au cœur du quotidien. Les soirées se passent presque toujours en compagnie d’ami·e·s, de connaissances ou de collègues, autour d’une grande tablée remplie de banchan, de plats à partager et de bière blonde. De quoi veiller jusqu’au petit matin, le ventre et le cœur pleins. Ce carnet culinaire coréen est un recueil d’incontournables, de grands classiques et de découvertes inattendues. Notre itinéraire —Séoul, Jeonju, Yeosu, Tongyeong, Busan et Jeju—n’aura couvert qu’une infime partie de ce pays, mais aura su s’étendre à l’ensemble de notre palais.
Séoul se distingue par ses marchés animés, ses quartiers aux identités affirmées et sa scène gastronomique foisonnante. Le marché Mangwon, encore à l’abri des touristes, est un arrêt incontournable pour gouter à différentes spécialités locales: l’eeomuk-guk (galettes de poisson servies dans un riche bouillon d’anchois), les myeolchi bokkeum (banchan d’anchois sautés dans une sauce sucrée, salée et parfois épicée), les tteokbokki (galettes de riz servies dans une sauce pimentée onctueuse) et les gimmari (rouleaux d’algue frits farcis de vermicelles—qu’on trempe dans la sauce de tteokbokki pour un gout plus relevé). Les villages traditionnels hanok ouvrent quant à eux une fenêtre sur le passé. Le village d’Eunpyeong, situé au pied du parc national Bukhansan, vaut particulièrement le détour.
Reconnue comme «ville de la gastronomie» par l’UNESCO, Jeonju est aussi connue pour son village hanok, qui compte plus de 800 maisons traditionnelles, ainsi que pour son plat emblématique, le bibimbap. Pour les amateur·trice·s de boudins, le restaurant Jo Jeom Rye Nammun Pisundae, au marché de Nambu, se spécialise dans la préparation de délicieux soondae, un boudin coréen composé de vermicelles de patates douces, de sang et d’intestins de porc ou de bœuf. La saucisse s’apprécie telle quelle, ou en ssam—enveloppée dans des feuilles de périlla et garnie d’ail, de gochujang et d’oignons.
Yeosu, ville portuaire au sud de la Corée, est composée de plus de 300 petites iles où le poisson et les fruits de mer occupent naturellement une place de choix à table. Parmi les spécialités de la région, on trouve le gejang, un plat composé de crabes frais marinés, soit dans un mélange de sauce soya (ganjang gejang), ou dans une sauce épicée à base de gochugaru (yangnyeom gejang). Ce plat, surnommé «voleur de riz», doit son nom à son gout intense qui incite à remplir son bol plusieurs fois. Bien caché, le restaurant Golmogjib propose un copieux menu rendant hommage à cette spécialité régionale. L’ile de Dolsando, au large de Yeosu, est d’ailleurs célèbre pour ses huitres. On y trouve plusieurs restaurants où l’on peut griller soi-même les mollusques sur le barbecue, une expérience unique particulièrement appréciable en hiver.
Lors d’une traversée routière entre Yeosu et Busan, un arrêt s’impose à Tongyeong, qu’on surnomme la «Naples de Corée», en référence à la ville italienne, avec laquelle elle partage plusieurs similitudes portuaires et culturelles. Juste à côté du marché Jungang, plusieurs étals proposent des hotteok, de délicieuses gourmandises sucrées de rue, ainsi que des kkulppang, de petites boules frites fourrées à la pâte de haricot rouge, enrobées de sirop au miel et de graines de sésame grillées. Ces en-cas sont encore meilleurs lorsque dégustés au bord de l’eau, en longeant le port de Gangguan.
Busan se distingue par une atmosphère résolument maritime et plus décontractée que celle de la capitale. Les cafés de troisième vague et les restaurants de fruits de mer abondent, autant que les bonnes adresses japonaises, témoignant de la proximité géographique avec le pays. Les pochas—de petits établissements de rue qui tirent leur nom de pojangmacha («pojang» [à emporter] et «macha» [chariot])—sont aussi particulièrement prisés par les habitant·e·s. On y sert des plats simples, généralement accompagnés d’un bon soju ou d’une bière froide, un grand classique de la région.
L’ile de Jeju, dominée par le plus grand volcan de Corée, le Hallasan, est un territoire de contrastes, où chaque région offre une expérience gastronomique et culturelle distincte. Le porc noir grillé, l’ormeau, les mandarines et les fruits de mer figurent parmi les spécialités phares de la région, auxquelles s’ajoutera peut-être… la pizza. Ouverte par des Québécois·es en 2023, la pizzéria Doughboy est rapidement devenue une adresse prisée. Malgré la barrière de la langue et les différences culturelles, Roxanne et Taylor ont su créer, avec leur restaurant, un véritable lieu de rencontre et de partage où s’attablent autant les gens de la région et que les visiteur·euse·s. Une visite à Jeju ne serait pas complète sans la rencontre des haenyos, plongeuses en apnée et figures emblématiques de l’ile, qui incarnent la résilience et l’indépendance des femmes insulaires.