February 26, 2024
Photo par
Joakim Eskildsen, Moises Saman, Tessa Bunney
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Joakim Eskildsen, Moises Saman, Tessa Bunney
Elle est tenace, l’impression selon laquelle le passé est marqué par la souffrance, la misère et le manque. Certaines de nos traditions les plus anciennes tournent pourtant autour de la relaxation et du bienêtre. Par exemple, depuis des siècles, les humains se réchauffent en groupe auprès d’un feu, dans un iglou, ou encore dans un sauna. Plusieurs cultures considèrent d’ailleurs ce dernier comme un lieu sacré, voire central dans la vie de tous les jours.
Alors que le reste de la planète tente encore de négocier le virage numérique, l’Estonie a pris les devants il y a un bon bout, déjà. Après avoir obtenu son indépendance de l’Union soviétique, en 1991, ce petit État d’Europe de l’Est a rebâti son économie en s’appuyant justement sur un ensemble de politiques orientées technologie et numérique. Or, même si leur pays est le plus avancé au monde en la matière, les Estoniens continuent d’accorder beaucoup d’importance aux traditions. Au premier rang: le sauna à fumée — fait peu étonnant dans cette région où les hivers sont rudes, et où le thermomètre peut facilement plonger à -40 °C.
Bien que généralement chauffés au bois, les saunas estoniens ne sont pas équipés de cheminée. La fumée demeure donc dans la pièce jusqu’à ce que la température des pierres atteigne 100 °C; une fois ce seuil atteint, elle est évacuée.
Le sauna à fumée estonien est inscrit sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO. C’est une tradition à laquelle on s’adonne souvent en famille; les séances, qui durent entre trois et cinq heures, prennent la forme d’un rituel de purification. Pour se débarrasser des peaux mortes et stimuler leur circulation sanguine, les participants se fouettent — pas toujours délicatement — les uns les autres avec des branches. Les saunas sont habituellement bâtis à proximité d’une étendue d’eau, où l’on peut se tremper une fois bien étuvé. L’eau y est fraiche en été et gelée en hiver. Puis, c’est reparti pour un tour: on cuit, on rince et on recommence.
Des lanières de bœuf ou de gibier sont suspendues et fumées pendant la séance, ce qui renforce l’impression d’être soi-même une pièce de viande en train de cuire. On les déguste à la fin, parfois en vérifiant ses courriels. En Estonie, on peut perpétuer les traditions sans jamais avoir à se priver d’une bonne connexion internet.
La plupart des Japonais ne prennent que deux ou trois jours de congé consécutifs, mais ils en maximisent le potentiel restaurateur en se rendant par exemple dans un onsen (ou bain thermal). Puisque le Japon est situé dans une zone volcanique active, les sources d’eau chaude ne manquent pas. On en compte en effet plus de 30 000, réparties dans les quelque 3 000 villes et villages thermaux du pays — le plus ancien onsen du Japon, Dogo Onsen, existerait depuis au moins 3 000 ans. Au départ, les onsens étaient surtout fréquentés par les élites fortunées, mais, au fil du temps, ils sont devenus un moyen accessible et extrêmement populaire de se faire du bien.
Aujourd’hui, la culture de l’onsen continue d’évoluer, d’autant plus qu’elle a la cote auprès des touristes. Dans le passé, les Japonais des deux sexes se baignaient ensemble dans les sources, ce qui est rare désormais. La nudité est toujours de rigueur, mais on encourage les visiteurs à faire preuve de pudeur. Et si vous arborez un tatouage, vérifiez avant de vous rendre sur place: en 2015, environ la moitié des onsens vous en auraient interdit l’accès — une pratique qui visait à exclure les yakuzas (les membres du crime organisé japonais). Comme les tatouages sont de plus en plus courants, ce règlement est progressivement abandonné.
On apprécie les onsens pour les minéraux qu’ils contiennent. La couleur constitue généralement un bon indice: l’eau ferreuse est rouge, tandis que l’eau soufrée a une apparence laiteuse. On recense 19 éléments chimiques naturels dans les différentes sources thermales, et chacun a ses bienfaits.
Par ailleurs, pour qu’un onsen soit reconnu comme tel par le gouvernement, la température de l’eau doit être égale ou supérieure à 25 °C. Or, il n’est pas rare qu’elle atteigne 50 °C.
Outre l’attrait des minéraux, les visiteurs fréquentent les onsens pour la proximité avec la nature, les sources thermales étant souvent situées en forêt, par exemple. La tranquillité et la beauté du lieu font donc aussi partie de l’expérience.
Depuis deux ans, la Finlande arrive en tête du classement des pays du monde où l’on est le plus heureux. Les Finnois attribuent cela à leur mode de vie, qui est fermement enraciné dans la nature. Le plein air fait en effet partie intégrante de l’identité nationale, à un point tel qu’il est inscrit dans la législation: le «droit de tous les humains» permet à chacun de s’aventurer où il veut, même sur une propriété privée. Si les Finnois adorent la nature qui les entoure, les conditions climatiques extrêmes et l’interminable obscurité dans laquelle ils sont plongés l’hiver ne leur rendent pas la tâche aisée. Pour surmonter ces difficultés et s’épanouir, les Finnois font appel à leur sisu, un terme qui évoque le courage et la résilience. À ça, et aux saunas.
Traditionnellement, le sauna était une pièce de la maison: il servait à la fois de lieu de détente et de système de chauffage pour l’ensemble du logis. Cette coutume n’est toutefois pas juste une affaire d’intimité. Il arrive régulièrement que de courageux Finnois se retrouvent pour faire suivre leur séance de transpiration d’une baignade en eaux froides. D’après les adeptes, plonger dans un lac glacé après avoir sué à fond procure un bienêtre incroyable à ceux et celles qui osent le faire. C’est aussi très bon pour leur santé: l’immersion aurait un effet vivifiant capable de faire disparaitre maux, douleurs et sentiments dépressifs.