May 20, 2025
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May 20, 2025
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Chez Mephisto Bates, c’est le geste spontané qui guide l’œuvre, bien plus que la vision prédéfinie. Originaire de Montréal, l’artiste autodidacte et multidisciplinaire conjugue peinture, musique, sculpture et installation. Inspiré par le mouvement des Automatistes québécois, il développe une pratique profondément intuitive, où la spontanéité prime sur l’intention. Pour lui, la création est un besoin fondamental, un acte quotidien guidé par l’élan du moment.
L’art entre dans la vie de Mephisto Bates par d’autres portes que la peinture : la musique d’abord, puis les collages et les montages vidéo qu’il réalise sur son premier iPhone. À l’adolescence, il explore l’image à travers des outils comme Photoshop, qui deviendront un terrain d’expérimentation — avant les toiles — et l’inciteront à s’orienter brièvement vers les arts visuels au cégep. Mais l’institution ne suffit pas à canaliser son flux créatif. Il quitte les bancs d’école pour se consacrer pleinement à sa propre démarche. C’est dans sa cour arrière, avec des rouleaux de toile accrochés à une corde à linge et des canettes d’aérosol, qu’il apprivoise le geste et que se tisse le début d’un lien profond avec ce qui deviendra son médium de prédilection. Libéré de toutes contraintes, il découvre le caractère sauvage et la nature brute de la peinture: « C’est là que j’ai découvert la liberté que je pouvais avoir en peignant. »
Depuis une dizaine d’années, la peinture rythme son quotidien. Il y revient presque chaque jour, animé par une certitude : « C’est la chose dans laquelle je me sens le meilleur et que je sens que je dois pousser à fond. » Son approche, délibérément instinctive, s’éloigne des codes trop rigides ou des attentes figées. Il privilégie le lâcher-prise, une gestuelle libre, où les formes et les couleurs imprègnent le canevas et donnent lieu à l’imprévisible. « La meilleure façon de ne pas être déçu, c’est de ne pas avoir d’attente et de ne pas trop essayer de prévoir d’avance ce que ça va donner. », dit-il simplement.
Chez Mephisto Bates, la perte de contrôle volontaire devient une esthétique en soi : les toiles pulsent et trouvent leur souffle dans les couleurs franches et les mouvements instinctifs. Dès le début de sa pratique, il a basé sa palette de couleur sur les tons alternatifs des couleurs de base, soit le rouge, le jaune et le bleu, et leur version pastelle.
Bates travaille en séries, répétant un processus jusqu’à en épuiser toutes les possibilités et en sonder les moindres nuances. Chaque toile débute par un geste initial qui dicte la composition, puis la couleur s’installe. Récemment, en résidence à BESIDE Habitat Lanaudière, il a cherché à se déstabiliser, à sortir de ses automatismes et à se défaire de ses repères. «J’aime beaucoup les grands espaces où je sens que je dérange personne. », explique-t-il. Bates y a trouvé un terreau fertile loin des distractions quotidiennes pour plonger dans un état de création quasi continue, réalisant une dizaine d’œuvres en seulement deux jours.
La nature, au-delà d’un simple décor, s’est imposée comme une alliée silencieuse, nourrissant dialogue entre l’artiste et le lieu. Mephisto Bates confie d’ailleurs peindre comme il respire. Chaque moment de création est une immersion dans l’instant. « Je me lève, je crée. C’est comme ça que je commence mes journées. » La musique l’accompagne en permanence, d’autres fois ce sont les podcasts. S’il le pouvait, ce serait les deux.
L’environnement, dès lors, ne fait pas que l'inspirer — il intervient, agit, façonne l'œuvre autant que la matière. Mais son art ne s’arrête pas à la toile : les titres qu’il leur donne en sont le prolongement, comme une deuxième couche de peinture marquée d’humour, de spontanéité et parfois d’absurde. Toujours pour déjouer les attentes. Il écrit comme il parle, avec l’intention de faire sourire, plutôt qu’à expliquer. « Je veux mêler encore plus le spectateur, éviter une interprétation trop facile. Mes titres ne doivent pas guider, mais ouvrir l’autre à l’inconnu. »
En 2019, il présente une exposition solo majeure, Mephisto Bates : Rétrospective, à la Maison Bélisle à Terrebonne, où il expose près de 350 œuvres. Il a aussi collaboré avec plusieurs festivals, dont le Festival Mode et Design et le Festival Santa Teresa. En parallèle, il poursuit sa carrière musicale, avec notamment l’EP Conversation With Elisha Gray, où sa démarche sonore rejoint son approche visuelle sans filtre ni compromis. Cette retraite, vécue comme un retour à l’essentiel, a ravivé chez lui l’urgence de créer avec abandon et intensité. « Ça m’a permis de me rappeler que je dois me laisser aller à 100 % », admet-il.
Parce que Mephisto Bates crée pour se libérer. Et il invite quiconque regarde son œuvre à en faire autant.