December 3, 2023
Photo par
Nesrine Brikci
December 3, 2023
Photo par
Nesrine Brikci
De nombreuses raisons nous poussent à découvrir davantage notre vaste territoire. Certains cherchent les grands espaces verts, d’autres les rivières poissonneuses où lancer leurs lignes. Moi, c’est boire les saveurs du Québec qui m’amène à voyager aux quatre coins de la province.
Au cours des cinq dernières années, nous avons assisté à la renaissance de la microdistillation dans la province. Cette industrie, qui s’était pratiquement éteinte depuis la prohibition, connait une croissance sans précédent. Aujourd’hui, dans presque toutes les régions du Québec, il y a au moins un alambic qui fonctionne à plein régime afin d’étancher notre soif d’alcool local.
Certains artisans ont fait le choix conscient de façonner des produits «du champ à la bouteille», afin que leurs nectars soient le reflet de leur terroir. Une seule gorgée d’Hydromel Desrochers évoquera à celui ou celle qui ouvre son palais et son esprit bien grands les fleurs qui tapissent les Hautes-Laurentides. Pour moi, c’est exactement ça la beauté des alcools locaux, ils nous font voyager en plus d’évoquer les parfums d’une escapade à quelques kilomètres de chez soi.
Je vous invite donc à vous transporter ailleurs dans la province avec trois recettes de cocktails locaux, qui combinent le savoir-faire de nos artisans et des ingrédients issus du garde-manger québécois.
Au sommet des vallons qui parsèment la région de Charlevoix trône la Maison d’affinage Maurice Dufour. Bien connu pour leurs célèbres fromages dont le Migneron de Charlevoix, la relève familiale s’est récemment lancée dans la production des vins et des spiritueux Charlevoyou. Les enfants de Maurice Dufour, Madeleine et Alexandre, ont trouvé une façon plutôt innovante de récupérer le petit-lait issu de la fabrication de leur pâte semi-ferme. C’est en le distillant qu’ils réussissent à donner une seconde vie à ce liquide résiduel, trop souvent considéré comme un déchet. De ce distillat, ils élaborent une eau-de-vie aux saveurs uniques. D’ailleurs, ils sont les seuls au Québec à pouvoir se targuer de façonner des alcools «de l’étable à la bouteille». L’optimisation de la matière première est au coeur de la vision de l’entreprise.
Les deux jeunes entrepreneurs repensent constamment leur modèle d’affaires afin de valoriser au maximum leurs précieuses ressources. En plus du lactosérum, Madeleine utilise également de son alambic pour transformer les marcs de raisin résultant de leur petite production viticole en un gin frais et délicat. Le Gin d’été est disponible à la distillerie de Baie-Saint-Paul seulement. Le détour, ne serait-ce que pour admirer le paysage bucolique de la ferme, en vaut la peine. Pour le moment, l’eau-de-vie de petit-lait est leur seul produit sur les tablettes de la SAQ.
Ce spiritueux, joliment nommé Charlevoyou, s’apparente à une vodka et possède un goût légèrement agricole. Au nez, les arômes de petites fraises des champs et de confiture de bleuet sont francs. La bouche est bien ronde et gourmande. Le Charlevoyou accompagne parfaitement un plateau de fromage et de charcuterie, mais il peut également être bu comme digestif à la fin d’un repas, un peu à la manière d’une Grappa. De mon côté, c’est définitivement en version cocktail «dessert» que j’aime le mettre en valeur et le servir.
À moins d’une heure de Montréal, en retrait du bourdonnement de l’autoroute 15, Matt Strickland — un américain originaire du Tennessee — distille des spiritueux d’exception, qui sont l’expression même du terroir de Mirabel. La distillerie Côte des Saints porte le nom du chemin sur lequel elle est située. Cette route paisible scinde les gigantesques champs d’orge qui bordent la route. C’est cette céréale, prisée par les artisans de Scotch, qui sert à élaborer la base neutre de tous les flacons de gin et de whisky de la jeune entreprise.
La distillerie Côte des Saints, c’est d’abord et avant tout l’histoire d’une famille élargie, unie par l’amour du whisky. Les partenaires sont fiers de pouvoir s’approvisionner dans leur propre champ d’orge, adjacent à distillerie, pour élaborer leur spiritueux de prédilection. Celui qu’ils s’amusent à faire vieillir dans une panoplie de barils de bois provenant de plusieurs régions du monde et ayant servi à faire reposer divers alcools comme du xérès, du calvados et du porto, pour ne nommer que ceux-là. En attendant la sortie de leurs nectars aux nuances caramel, on peut se délecter de leur savoureux gin.
Le gin Côte des Saints est gorgé d’huiles essentielles issues de la macération des aromates. Pour lui conférer son goût frais et ses notes florales, ils utilisent entre autres de la cardamome, de la lavande, de l’écorce de lime, des graines de coriandre et du romarin. La finale est longue et lisse, gracieuseté de leur approche «du grain à la bouteille». Ce spiritueux de genièvre peut être consommé seul sur glace ou dans un cocktail dont il est la vedette.
À quelques kilomètres de la distillerie Côte des Saints, on peut s’enivrer des effluves de La Maison Lavande. Cette lavandière qui s’étend sur plus d’un kilomètre accueille les visiteurs en quête d’apaisement pendant la période de floraison, de la fin juin à la mi-août. Des airs de Provence en plein cœur de Saint-Eustache, qui l’aurait cru!
*Extrait du livre L’Apéro au Québec (KO Éditions)
La ville de Ferme-Neuve est située à 275 km au nord de Montréal. Plus on monte en latitude, plus l’activité humaine se fait rare, cédant la place à une nature luxuriante. Au milieu de ce paysage enchanteur parsemé de prairies, de forêts et de lacs, Anicet Desrochers et sa conjointe, Anne-Virginie Schmidt, de la ferme apicole Miels d’Anicet, s’affairent à produire du miel biologique. À quelques pas d’eux, sur le terrain familial, Naline Desrochers, la sœur d’Anicet, accompagnée de son conjoint Géraud Bonnet, se sert de ce miel pour élaborer des hydromels uniques en leur genre. Bien qu’il en existe de très bons, les hydromels n’ont pas vraiment la cote au Québec, car ils sont souvent perçus comme des boissons trop sucrées. Ceux de Ferme-Neuve n’appartiennent pas à cette catégorie. Au contraire, ils ont la particularité d’être secs et vifs. Parmi la gamme de produits proposés par le couple (hydromels pétillants, vins secs, vermouths et liquoreux), on peut déceler des notes de fleurs, de noisette et même d’épices.
La fabrication de l’hydromel ressemble à s’y méprendre à celle du vin. À l’instar du vigneron qui assemble ses cépages, l’apiculteur choisit ses miels selon leur goût distinct. Le but ultime est d’exprimer les qualités et la finesse de ceux-ci. Le goût unique du miel dépend du terroir et des fleurs que les abeilles butinent. Selon la flore qui entoure les ruches, le nectar doré peut développer des arômes complètement différents.
Chez les Desrochers, ce sont les saisons qui guident la classification des miels plutôt que la couleur. Ainsi, au printemps, quand les vallons sont tapissés de cerisiers en fleurs et de pissenlits, on peut s’attendre à un miel plus doux, aux notes végétales. À l’inverse, à l’automne, lorsque les champs de sarrasin des fermes avoisinantes sont à leur apothéose, on obtient un liquide aux arômes fermiers et au goût prononcé. Ce sont ces différents profils qui guident le couple dans leurs créations alcoolisées. En symbiose avec la nature qui les entoure, Naline et Géraud se laissent inspirer par les saisons.
La gamme d’hydromels pétillants Beezz ainsi que les vins secs Desrochers D se prêtent parfaitement à l’apéro tandis que les liquoreux volent la vedette au digestif. Pour varier les plaisirs, je vous propose également d’essayer le Bizz Mule, un cocktail inspiré du Moscow Mule.