September 18, 2025
Photo
Alexine Harvey
September 18, 2025
Photo
Alexine Harvey
Originaire de Charlevoix, Alexine Harvey puise son inspiration dans les espaces, les maisons, les objets, la nature, la nourriture, les saisons, les ami·e·s et l’artisanat. Son regard s’attarde aux détails et aux instants simples, qu’elle explore et qu'elle partage comme on ouvre un carnet de bord. Dans ce guide, elle partage avec nous ses lieux favoris, ses coups de cœur, et tout ce qui donne à la région de Charlevoix son (pas si petit) je-ne-sais-quoi.
Lorsque je grandissais dans Charlevoix, je ne voyais pas tout.
Le fleuve n’était qu’un cours d’eau. Les montagnes paraissaient lointaines et les forêts, un coin perdu de l’arrière-pays.
C’est seulement en y revenant dix ans plus tard que j’ai vu les choses autrement. Chaque détail comptait : l’élégance discrète de la région prenait le pas sur la rudesse de mes souvenirs, admirer la pluie tomber sur le paysage devenait un rituel, une visite à la cantine du village créait un moment cocasse. Entre vignes et fermes maraîchères, je découvrais le savoir-faire et les passions locales. Tout semblait désormais tenir du privilège plutôt que de l’évidence.
De Baie-des-Rochers à Baie-Saint-Paul, j'ai fait la liste de mes lieux les plus précieux.
Une randonnée de 8 km aller-retour mène à une plage magnifique. Chaque fois, la vue me coupe le souffle. Mes racines s’y ancrent : la famille maternelle venait d’ici et mon arrière-grand-mère avait transformé l’école du village en maison. Dix enfants… ça prend de la place !
Le quai de Port-au-Persil est un lieu d’émotions successives : tristes, légères, lumineuses. Il faut s’y poser pour comprendre. Les jours de brume, la mélancolie enveloppe le lieu; le fleuve et les rochers disparaissent doucement dans le gris, laissant toute la place à la contemplation.
La crème molle twist marbrée de Saint-Fidèle — toujours accompagnée d’un sac de fromage en crottes — goûte mon enfance, Mon frère, lui, ne jure que par celle aux bleuets. J’ai grandi dans ce village jusqu’à mes douze ans, et aujourd’hui encore, nos choix glacés restent les mêmes. Plus ça change, plus c’est pareil.
Le samedi durant l’été, le marché de La Malbaie réunit maraîcher·ères, producteur·trices et artisan·es. J’y arrive haute en couleurs et avec un budget de fruits et légumes illimité. Au milieu de l’été, on prépare nos pickles annuels avec les cornichons de Guillaume. Mes kiosques préférés : Les Jardins Écho Logiques, Lupin Fruit, la Ferme du Ruisseau-Jureux et Tisserande Charlevoix.
Après le marché, un arrêt chez Confit, nouvel épicier-café-buvette de La Malbaie. Derrière le comptoir, des visages familiers animent le centre-ville en servant café et nourriture à savourer lentement. L’ouverture est récente et pourtant tout semble déjà bouillonner, comme ces clichés pris sur le vif, quand l’énergie dépasse l’objectif.
Menaud est un lieu chargé de souvenirs. La distillerie appartient à mon parrain et ma filleule vous y accueille. J’y ai passé cinq ans à capturer chaque détail. Dans le bâtiment industriel, le design minimaliste contraste avec l’odeur précise de fermentation et les bouteilles racontent silencieusement leur histoire. Sur la terrasse, on joue à la pétanque, on savoure un verre et on cultive les liens.
Même lorsqu’on habite dans le coin, s’arrêter chez Territoire Charlevoix, ne serait-ce que pour marcher en forêt, vaut le détour. Pour ceux et celles qui viennent de loin, il est possible de séjourner dans les refuges architecturaux et de savourer un café chaud accompagné d’une focaccia au petit-déjeuner.
Sur leurs terres, la Famille Migneron combine fromagerie, vignoble et distillerie, offrant une halte idéale pour un pique-nique. Leur prêt-à-boire « Couleur » — à prononcer « cou-leur » avec l’accent de Charlevoix — fait partie des rares que j’apprécie. Entre fromage et soleil, le temps semble s’étirer.
Saint-Irénée m’accueille comme autrefois, avec les mêmes vagues froides de la plage que j’affrontais enfant. Et cet arrêt obligé au casse-croûte Chez Ginette où poutine et pogo sont relevés par l’air salin.
Parmi mes arrêts préférés, il y a Lupin Fruit, un verger nordique perché aux Éboulements. Pas seulement pour les fleurs et les fruits qu’on cueille en s’asseyant dans l’herbe, mais pour les humains derrière le projet, attentif·ves au moindre détail. Sorbets, argousade pétillante, puis compotée de camerises, framboises et fleurs de sureau prolongent l’été jusque dans l’hiver.
Les sentiers des Éboulements se parcourent au rythme tranquille des alpagas, que l’on peut guider soi-même. Leur présence rend la promenade douce et légère. À la fin de la balade, leur laine, disponible à la boutique, devient un souvenir à tricoter, prolongeant ce moment suspendu.
Le traversier vers l’Isle-aux-Coudres en vaut la chandelle. Quelques heures — ou 23 km de vélo — suffisent pour goûter à la vie d’insulaire : un arrêt au Dépanneur Chez Paul pour ses brioches chaudes, un café à la Fabrique de l’Isle et un moment pour flâner chez Charlotte! Atelier-boutique. Le coucher de soleil viendra doucement clore la journée à la Petite anse de l’Îlet.
Le classique smoked meat, accompagné d’une p’tite rousse est un arrêt simple et fidèle, toujours satisfaisant. La viande fumée, juteuse et fondante, se savoure dans ce lieu animé où chaque bouchée rappelle pourquoi on y revient. Un peu plus loin sur la rue, on prend le dessert chez Fraîcheurs et Saveurs, prolongeant le plaisir après ce rituel salé, houblonné et chaleureux.
Une immersion dans la cuisine mexicaine traditionnelle, dont l’ambiance conviviale évoque celle d’une maison. Chaque plat se prépare sous les yeux des convives, ponctué par les « muchas gracias » de la propriétaire. Jalapeños poppers, tacos et mole offrent un plaisir immédiat au palais, tandis que la décoration et la vaisselle soignée recréent l’atmosphère d’un repas en famille.
Marche jusqu’à la plage de Baie-Saint-Paul en partant de l’Auberge des Balcons.
Descente en tube ou en kayak sur la rivière du Gouffre.
Randonnée au Mont des Morios et à l’Acropole-des-Draveurs.
Revenir dans les lieux qui ont marqué mon enfance, c’est retrouver cette attention aux détails qui m’avait échappée enfant. C’est réaliser que chaque sentier, chaque marché, chaque panorama révèle le charme naturel de ma région. Et que Charlevoix mérite qu’on s’y attarde — qu’on la découvre ou qu’on la redécouvre.